Signalement sur la route : coyote et les autres dispositifs d’aide à la conduite ont encore de beaux jours devant eux – Décision n° 2021-948 QPC

Le conseil constitutionnel vient de rendre le 24 novembre 2021 une décision de non-conformité partielle du mécanisme de signalement des contrôles routiers par services électroniques. L’éclairage de Me le Dall sur cette Décision QPC n°2021-948.

Par Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en Droit

Président de la Commission ouverte Droit routier du Barreau de Paris

Directeur scientifique des États Généraux du Droit Automobile

 

 

Ce mécanisme de coupure de services pour les assistants à la conduite avait été introduit dans le Code de la route par la Loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 20219 (dite loi LOM) avec notamment la création d’un nouvel article L130-11 du Code de la route :

« I.-Lorsqu’est réalisé sur une voie ouverte ou non à la circulation publique un contrôle routier impliquant l’interception des véhicules et destiné soit à procéder aux opérations prévues aux articles L. 234-9 ou L. 235-2 du présent code ou aux articles 78-2-2 ou 78-2-4 du code de procédure pénale, soit à vérifier que les conducteurs ou passagers ne font pas l’objet de recherches ordonnées par les autorités judiciaires pour des crimes ou délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement ou ne sont pas inscrits dans le fichier mentionné à l’article 230-19 du même code à raison de la menace qu’ils constituent pour l’ordre ou la sécurité publics ou parce qu’ils font l’objet d’une décision de placement d’office en établissement psychiatrique ou se sont évadés d’un tel établissement, il peut être interdit par l’autorité administrative à tout exploitant d’un service électronique d’aide à la conduite ou à la navigation par géolocalisation de rediffuser au moyen de ce service tout message ou toute indication émis par les utilisateurs de ce service dès lors que cette rediffusion est susceptible de permettre aux autres utilisateurs de se soustraire au contrôle.

L’interdiction de rediffusion mentionnée au premier alinéa du présent I consiste, pour tout exploitant d’un service électronique d’aide à la conduite ou à la navigation par géolocalisation, à occulter, pour toutes les voies ou portions de voies qui lui sont désignées par l’autorité compétente, tous les messages et indications qu’il aurait habituellement rediffusés aux utilisateurs dans un mode de fonctionnement normal du service. La durée de cette interdiction ne peut excéder deux heures si le contrôle routier concerne une opération prévue aux articles L. 234-9 ou L. 235-2 du présent code ou douze heures s’il concerne une autre opération mentionnée au premier alinéa du présent I. Les voies ou portions de voies concernées ne peuvent s’étendre au-delà d’un rayon de dix kilomètres autour du point de contrôle routier lorsque celui-ci est situé hors agglomération et au-delà de deux kilomètres autour du point de contrôle routier lorsque celui-ci est situé en agglomération.

II.-L’interdiction mentionnée au I du présent article ne s’applique pas, sur le réseau routier national défini à l’article L. 121-1 du code de la voirie routière, aux évènements ou circonstances prévus à l’article 3 du règlement délégué (UE) n° 886/2013 de la Commission du 15 mai 2013 complétant la directive 2010/40/ UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les données et procédures pour la fourniture, dans la mesure du possible, d’informations minimales universelles sur la circulation liées à la sécurité routière gratuites pour les usagers. »

 

Un décret numéro 2021–468 du 19 avril 2021 portant application de l’article L130–11 du Code de la route était venu préciser les modalités d’application de ce mécanisme et avait promis aux conducteurs une entrée en vigueur pour le 1er novembre 2021.

 

À cette date, les services du ministère avaient indiqué toutefois que « la partie technique n’était pas prête. » En réalité le gros retard à l’allumage pourrait découler non de la mise en œuvre des solutions techniques mais bien de la partie juridique.

 

Le fabricant Coyote est, en effet, récemment monté au créneau et, le 16 septembre 2021 le Conseil d’État avait décidé de transmettre au Conseil constitutionnel une QPC, une question prioritaire de constitutionnalité présentée par le fabricant coyote qui soulevait une problématique de non-conformité du dispositif. (CE 16 sept. 2021, Sté Coyote System, n° 453763)

Les sages de la rue Montpensier ont rendu le 24 novembre 2021 une décision de non-conformité partielle qui devrait redonner le sourire à de nombreux conducteurs en tout cas à de nombreux utilisateurs de ces services d’aide à la conduite.

 

Un dispostif Harry Potter qui porte atteinte à la liberté d’expression et de communication

Le fabricant Coyote pointait notamment du doigt une problématique d’atteinte à la liberté d’expression et de communication.

Et c’est ce qui a valu au dispositif « Harry Potter » la censure du Conseil constitutionnel qui explique que : « hors du réseau routier national, cette interdiction vise, sans exception, toute information habituellement rediffusée aux utilisateurs par l’exploitant du service. Ainsi, elle est susceptible de s’appliquer à de nombreuses informations qui sont sans rapport avec la localisation des contrôles de police. Dans ces conditions, cette interdiction porte à la liberté d’expression et de communication une atteinte qui n’est pas adaptée, nécessaire et proportionnée au but poursuivi. Il en résulte que les mots « , sur le réseau routier national défini à l’article L. 121-1 du code de la voirie routière, » figurant au paragraphe II de l’article L. 130-11 du code de la route méconnaissent la liberté d’expression et de communication et doivent être déclarés contraires à la Constitution.

Le Conseil constitutionnel décide (donc que) :

« Article 1er. – Les mots « , sur le réseau routier national défini à l’article L. 121-1 du code de la voirie routière, » figurant au paragraphe II de l’article L. 130-11 du code de la route, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, sont contraires à la Constitution.
Article 2. – La déclaration d’inconstitutionnalité de l’article 1er prend effet dans les conditions prévues au paragraphe 27 de cette décision.
Article 3. – Le reste de l’article L. 130-11 du code de la route et le 1 ° de l’article L. 130-12 du même code, dans leur rédaction issue de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, sont conformes à la Constitution. »

Mais qu’en déduire de cette décision ?

Avec la censure du Conseil constitutionnel, les conducteurs qu’ils circulent sur le réseau national ou ailleurs, auront donc toujours le droit de signaler et de prévenir les autres usagers de la route d’un danger sans rapport avec la localisation des contrôles de police comme un véhicule en panne, un fort ralentissement ou encore la présence dangereuse puisque très surprenante d’un zèbre ou d’un hippopotame sur la route…

 

Décision QPC n°2021-948 du 24 novembre 2021, consultable ici : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2021/2021948QPC.htm

 

2021 le Dall Avocat Permis de conduire – Droit automobile 

 

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